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Mavic

Fondée en 1889 à Lyon, en France, par Charles Idoux et Lucien Chanel, Mavic – acronyme de Manufacture d’Articles Vélocipédiques Idoux et Chanel – est passée de la fabrication de pièces modestes à une renommée mondiale dans le domaine des roues. De ses débuts dans l’ombre des vélocipèdes à son rôle emblématique dans le Tour de France, nous retraçons ici son parcours, ancré dans la tradition française et marqué par des périodes de gloire et de défis.

L’histoire de Mavic : De Lyon aux sommets du cyclisme

1889-1930 : Les premiers pas dans un monde en mutation

L’histoire de Mavic débute en 1889 à Lyon, une ville industrielle prospère au cœur de la France. Charles Idoux et Lucien Chanel fondent la Manufacture d’Articles Vélocipédiques Idoux et Chanel à une époque où le vélo, encore appelé « vélocipède », connaît une révolution avec l’avènement de la « safety bicycle » – un modèle à deux roues égales et transmission par chaîne. L’entreprise commence modestement, produisant des garde-boue, des pédales et des pièces métalliques pour ces engins naissants. Le contexte est favorable : le cyclisme devient un loisir populaire en Europe, porté par une classe moyenne en quête de mobilité.

Dans les années 1890, Mavic reste une petite structure, opérant dans l’ombre de fabricants plus établis. Peu après sa création, les fondateurs cèdent la direction à Henry Gormand, un industriel lyonnais qui prend les rênes au tournant du siècle. Sous sa gouvernance, l’entreprise élargit son champ d’action, fabriquant des jantes en bois – le standard de l’époque – et des accessoires pour les vélos de course émergents. Dans les années 1920, alors que le Tour de France, lancé en 1903, gagne en prestige, Mavic commence à s’intéresser à la compétition, orientant sa production vers des solutions plus techniques sous l’impulsion de Gormand.

1930-1950 : L’émergence et l’adoption de l’aluminium

Les années 1930 marquent un tournant significatif pour Mavic. En 1934, l’entreprise introduit une innovation majeure : la jante en Duralumin, un alliage d’aluminium léger et robuste, pesant 750 g contre 1,2 kg pour les jantes en acier ou en bois alors dominantes. Connue sous le nom de « Dura », cette jante attire l’attention des coureurs. Une anecdote célèbre entoure son lancement : lors du Tour de France 1934, Antonin Magne, vainqueur de l’édition 1931, utilise ces jantes Dura peintes en couleur bois pour contourner les règles strictes de l’UCI, qui n’autorise alors que les jantes traditionnelles. Magne domine la course, conservant le maillot jaune dès la deuxième étape pour remporter le Tour, offrant à Mavic une victoire retentissante et une première reconnaissance mondiale.

Dans les années 1930, Mavic diversifie également ses activités, produisant des voitures à pédales pour enfants avec des roues à rayons et des transmissions par chaîne, un marché de niche qui élargit temporairement son portefeuille. La Seconde Guerre mondiale interrompt cette progression. Lyon, sous occupation, voit ses usines ralentir, mais Mavic maintient une activité minimale grâce à des commandes militaires pour des fils métalliques et des pièces légères. Après la guerre, dans les années 1940, l’entreprise reprend son essor, profitant de la reconstruction et de l’engouement renouvelé pour le cyclisme en France. Les jantes Dura s’imposent comme un standard parmi les cyclistes, renforçant la position de Mavic comme un fabricant de composants fiables.

1950-1970 : Consolidation et modernisation

Les années 1950 et 1960 sont une période de croissance stable pour Mavic, alors que le cyclisme professionnel s’organise et que des événements comme le Tour de France captivent un public de plus en plus large. Sous la direction de la famille Gormand, avec Bruno, fils d’Henry, jouant un rôle clé, Mavic perfectionne ses jantes en aluminium et élargit sa production à d’autres composants essentiels : moyeux, pédales et pédaliers. Lyon demeure le centre névralgique de l’entreprise, mais ses produits commencent à s’exporter à travers l’Europe et au-delà, portés par une réputation de qualité associant rigueur technique et héritage français.

Dans les années 1960, Mavic renforce son engagement envers les besoins des coureurs. L’entreprise investit dans des équipements de production plus modernes et commence à collaborer avec des équipes professionnelles pour tester ses composants dans des conditions réelles. Cette période voit Mavic poser les bases d’une présence plus marquée dans le cyclisme de haut niveau, tout en restant une entreprise familiale attachée à ses racines lyonnaises.

1970-1990 : L’âge d’or et l’institution du service neutre

Les années 1970 propulsent Mavic au premier plan du cyclisme mondial. En 1972, Bruno Gormand, alors président, initie un projet novateur : un service d’assistance neutre pour les coureurs, indépendamment de leur équipe. Testé lors du Critérium du Dauphiné Libéré en 1972, ce concept est officialisé au Paris-Nice en 1973, avec les voitures jaunes Mavic suivant le peloton pour fournir des roues de secours et des réparations rapides. Ce service devient une institution dans le Tour de France, renforçant la visibilité de la marque et son rôle essentiel dans les grandes courses.

En 1979, Mavic lance le « Tout Mavic », un groupe complet comprenant moyeux, pédaliers, pédales et jantes, qui équipe des coureurs de renom dans des compétitions majeures. Les années 1980 confirment cette domination, avec une présence croissante dans le peloton professionnel. En 1985, la mort tragique de Bruno Gormand dans un accident de voiture secoue l’entreprise, mais sa femme, Cécile Gormand, prend la direction et maintient le cap. En 1989, Mavic célèbre une victoire historique lorsque Greg LeMond remporte le Tour de France sur un vélo entièrement équipé par la marque, consolidant son statut de leader dans le cyclisme de performance.

1990-2010 : Expansion mondiale et innovations majeures

Sous la direction de Cécile Gormand, les années 1990 marquent une phase d’expansion internationale pour Mavic. En 1994, Cécile orchestre un management buy-out, permettant à quatre cadres, soutenus par un investisseur, de racheter Mavic. Cette même année, Mavic révolutionne le cyclisme avec le lancement du groupe Zap, le premier système de changement de vitesse électronique commercialisé. Introduit dès 1994, le Zap offre des changements précis via des commandes électriques, une avancée pionnière bien avant les systèmes Di2 de Shimano ou EPS de Campagnolo, bien que son adoption reste limitée face aux groupes mécaniques dominants de l’époque. En 1996, la marque est acquise par Salomon, un fabricant français de matériel de sports d’hiver, qui fusionne avec Adidas en 1998 pour former Adidas-Salomon. En 1999, Mavic introduit deux innovations majeures : le système UST (Universal System Tubeless), développé avec Michelin et Hutchinson, qui élimine les chambres à air pour réduire les crevaisons et améliorer l’adhérence, devenant une référence dans le VTT avant de s’étendre à la route ; et le groupe sans fil Mektronic, une évolution du Zap. Le Mektronic, lancé en 1999, utilise une transmission radio pour des changements de vitesse sans câbles, testé par l’équipe Once sur le Tour de France, mais son adoption reste marginale en raison de sa complexité et de son coût.

C’est également dans les années 1990 que l’histoire de la roue Cosmic prend son essor. En 1985, Mavic commercialise les roues paraculaires Comète en fibre de carbone, suivies en 1989 par la Comète « + et -« , une version avec des alvéoles périphériques permettant d’ajuster des masses en acier de 130 à 780 g selon les besoins de l’épreuve – une idée audacieuse pour optimiser l’inertie. Cette innovation culmine en 1989 lorsque Greg LeMond utilise une roue lenticulaire Comète pour remporter le Tour de France, battant Laurent Fignon de 8 secondes dans un contre-la-montre mémorable. Ce succès inspire le lancement en 1994 de la Cosmic, une roue carbone conçue pour allier aérodynamisme et légèreté, devenant un symbole de performance pour les cyclistes sur route. Testée sur piste dès 1984 avec l’équipe de France aux JO de Los Angeles, puis affinée avec la roue 3G à trois bâtons profilés qui domine à Barcelone en 1992, la lignée Cosmic évolue encore avec la Cosmic Ultimate, entièrement fabriquée en carbone dans les ateliers d’Annecy, incarnant le savoir-faire français de Mavic.

En 2005, le groupe passe sous le contrôle d’Amer Sports, un conglomérat finlandais, amorçant une ère de production plus industrialisée. Mavic déménage son siège à Annecy, au pied des Alpes, tout en maintenant une usine de production de jantes à Saint-Trivier-sur-Moignans. Cette période voit l’entreprise renforcer son rôle dans le Tour de France, où son service neutre continue d’équiper le peloton avec une efficacité accrue. L’internationalisation s’accélère, avec des produits distribués dans des marchés clés comme les États-Unis et l’Asie, tandis que Mavic conserve son identité française malgré les changements de propriété. Les innovations comme le Zap, le Mektronic, l’UST et la Cosmic témoignent de l’ambition de la marque à repousser les limites technologiques du cyclisme.

2010-2025 : Défis financiers et renaissance

Les années 2010 apportent des défis significatifs. En 2019, Amer Sports vend Mavic à Regent LP, une firme d’équité privée américaine, mais des erreurs administratives révèlent en 2020 que l’acheteur réel est M Sports International LLC, une entité obscure basée au Delaware. Cette confusion plonge Mavic dans l’incertitude, et en mai 2020, l’entreprise est placée sous redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Grenoble, sous la pression de créanciers préoccupés par sa situation financière. Après six mois d’observation, Mavic est rachetée en juillet 2020 par le groupe français Bourrelier, une opération qui assure la survie de l’usine de Saint-Trivier et du siège d’Annecy.

Sous Bourrelier, Mavic retrouve une stabilité relative. En 2023, la marque célèbre ses 134 ans avec une exposition à Annecy, mettant en lumière son héritage dans le cyclisme. Cependant, en 2022, Mavic perd son rôle de service neutre au Tour de France, cédé à Shimano après près de cinq décennies de présence emblématique. Aujourd’hui, en mars 2025, Mavic emploie environ 200 personnes en France et reste un nom respecté dans le cyclisme. Ses roues carbone continuent d’équiper des coureurs amateurs et professionnels à travers le monde, témoignant d’une résilience forgée par plus d’un siècle d’histoire. De ses origines lyonnaises à ses innovations comme les jantes Dura, le groupe Zap, le Mektronic, le système UST et la légendaire Cosmic, Mavic incarne un parcours marqué par l’ingéniosité, l’adaptation et un lien profond avec le sport.

Evolution du logo Mavic depuis 1923

Le site officiel de MAVIC

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